Sorcières ! Rites, croyances et persécutions en Alsace
Entre les années 1440 et 1640, notre région a connu un des épisodes les plus sinistres de son histoire. Au cours de ces deux siècles, des centaines de personnes, majoritairement des femmes, sont passées en jugement devant des tribunaux qui ne leur laissaient guère de chance. Près de 1600 bûchers ont flambé près des villes et des villages d’Alsace.
Avec le recul, on est sidéré devant la cruauté des méthodes employées, en contradiction apparente avec l’Humanisme qu’on attribue généralement à cette période. C’est oublier que ces procédés sont hérités du Moyen Âge, au même titre que le concept de sorcière.
L’exposition que nous consacrons à cet épisode s’attache à en élargir les perspectives, en explorant ses racines et en le replaçant dans un cadre géographique plus vaste.
Un autre aspect peu connu est abordé. Au moment où s’allument les premiers bûchers, les croyances et les pratiques de la magie populaire forment la toile de fond des mentalités. Souvent issues du paganisme germanique, elles ont facilité la tâche des inquisiteurs, puis des juges laïques. Elles ont survécu à la Grande Chasse et n’ont commencé à s’évanouir que récemment.
Une incursion dans ce "temps long" des rites et des croyances trouve naturellement sa place à côté d’une étude aussi classique que celle des procès proprement dits.
Et le public pourra donc, grâce notamment à une collection privée, se replonger dans le monde étonnant de croyances magiques et des rites de protection millénaires qui ont imprégné nos ancêtres et qui font indéniablement partie de notre patrimoine culturel.
Bâton de berger
Bâton de berger ou de guérisseur destiné à se préserver des morsures de serpent.
Œuf de prière
Chaque ligne représente une clausule c'est à dire une invocation à une divinité. La clausule était ajoutée à la fin de chaque Ave et lorsqu'on avait fait le tour de l'oeuf on avait récité un chapelet. Chaque ligne sur l'oeuf représente donc un grain de chapelet.
Palefrenier foudroyé
Cette remarquable gravure sur bois conservée à l’Œuvre Notre-Dame de Strasbourg, est due à Hans Baldung Grien, qui a laissé à la fois ses initiales (HB) et son blason figurant une licorne.
Cette gravure, extrêmement riche de signification, est généralement datée de 1544. Elle se place dans le contexte de la peur du Diable, mais avant la Grande Chasse, qui démarre dans les années 1570. Baldung a produit un grand nombre de gravures figurant des sorcières. Celle-ci en fait partie, mais a ceci de curieux qu’elle met en scène un homme et une sorcière.
Le palefrenier vient de s’effondrer dans une position étrange. Il tient encore une fourche à foin et une étrille, qui ont donc servi à l’entretien du cheval à l’arrière-plan.
Or, celui-ci vient de le tuer d’une ruade. La cause en est la vieille femme qui se penche par la fenêtre, une torche à la main. C’est elle qui a affolé la bête. La croyance que les sorcières pouvaient exciter les animaux domestiques était courante.
La fourche à foin, symbole masculin, symétrique du balai, se retrouve dans d’autres gravures de Baldung, détournée de sa fonction première. La sorcière personnifiée par une femme âgée apparaît déjà au 15e siècle.